République des Savoirs

Laboratoire transdisciplinaire du CNRS, ENS et du Collège de France

Séminaire du mercredi/Centre Cavaillès


Détails de l’événement

Cet événement s’est terminé le 15 avril 2015


8 octobre 2014 : Charles Wolfe « Ecrire l’histoire du vitalisme »

Résumé : Le problème du statut du vitalisme dans l’histoire de ce qu’on appelait à l’époque de Canguilhem et Jacques Roger, la « pensée biologique », est connu. Le vitalisme désignerait la doctrine, ou ensemble de doctrines, qui serait aux limites (ou aux marges ?) de la pratique scientifique raisonnable. Selon cette vision commune et encore assez répandue (plus encore dans le contexte anglophone qu’en Allemagne ou en France, où certaines intuitions biophilosophiques font encore partie d’un patrimoine quasi-national, avec des accents kanto-hégéliens, bichato-bernardiens, etc.), le vitalisme consiste à tricher : à faire entrer en jeu des forces vitales mystérieuses, au sein d’une étude prétendument scientifiquement de la nature vivante (en biologie, en embryologie, en médecine, en physiologie, etc.). On doit par exemple à Francis Crick une célèbre formule sur les vitalistes, « charlatans » contemporains (cranks).

J’ai tenté plusieurs fois de dissiper ou critiquer cette intuition courante, surtout en essayant d’historiser la question (Wolfe & Terada 2008, Wolfe & Normandin, dir. 2013), afin de montrer qu’il existe plusieurs formes de vitalisme (Wolfe 2011). Au minimum, un vitalisme ‘substantiel’, qui pose l’existence d’une force ou principe vital comme substance (au même titre que le reste des choses existantes au monde) : c’est typiquement la position de Stahl ou de Driesch (ibid.). Puis un vitalisme ‘fonctionnel’, qui cherche à saisir les propriétés fonctionnelles de systèmes vivants, sans transmuer ces propriétés en un fondement ontologique : c’est typiquement la position des vitalistes de Montpellier mais aussi de Claude Bernard, y compris telle qu’elle est reprise de nos jours par W. Bechtel (Bechtel 2007, 2013). Enfin, j’ai tâché de montrer ailleurs que chez Canguilhem, à la suite de Kurt Goldstein (mais prolongeant une intuition kantienne, que l’on retrouvera également chez le Dennett du ‘intentional stance’), on trouve une sorte de vitalisme ‘cognitif’ ou ‘constructiviste’, au sens où il se fonde sur un acte de construction mentale (Canguilhem ; Wolfe 2013 & à paraître).

Je tâcherai ici (i) de revenir sur cette historisation du vitalisme, en posant la question (ii) de son rapport à l’histoire des sciences et à une pratique scientifique légitime (Šešelja & Straßer 2014), à la constitution de la biologie comme science (McLaughlin 2002, Gayon 2011) et (iii) du statut du vitalisme aujourd’hui, dans un contexte marqué par les divers refus du génocentrisme (particulièrement du type West-Eberhard, Oyama – voir les articles dans le n° spécial de History and Philosophy of the Life Sciences de 2010 sur le concept d’organisme, dir. Huneman et Wolfe) mais aussi dans les tendances vitalistes présentes dans l’énactivisme, que je rangerai dans la catégorie ‘substantialiste’. Car après tout, il ne suffit pas d’opposer à l’opprobre d’un Crick, la suffisance tranquille de l’épistémologie historique.

14 janvier 2015 : Karine Prévost « Le développement de l’individu à la lumière de la microbiologie et des symbioses ». Résumé : Le développement de l’individu s’est constitué autour de théories qui ont souligné le caractère interne des mécanismes développementaux, ainsi qu’autour d’organismes modèles choisis notamment parce qu’ils offraient la possibilité de négliger les composantes environnementales dans l’étude des processus du développement. Les analyses, relativement récentes, du rôle des microbes, et a fortiori des symbioses, dans le développement normal conduisent à réévaluer l’ontologie à travers laquelle le développement a été pensé ainsi que la définition de l’individu en développement qui en a été extraite. Nous montrerons comment la microbiologie peut être perçue comme niveau pertinent à partir duquel penser l’individu en développement et analyserons les conséquences de cette assertion sur les définitions des deux concepts d’individu et de développement.

11 mars 2015 : Charles Galpérin « La colinéarité,concept clé du développement. »

Résumé : La colinéarité est ce processus énigmatique qui assure que l’ordre des gènes Hox groupés le long du chromosome est parallèle à l’ordre de leur fonction sur l’axe antéro-postérieur de l’organisme. Enoncé par Ed.B; Lewis sur la mouche ,la recherche sur les mécanismes de régulation chez les vertébrés sera présentée en suivant principalement les travaux de Denis Duboule. Ici un autre type de colinéarité met en scène le temps.Ce dernier est relatif à l’activation des  gènes Hox au cours du développement. Nous insisterons sur la notion de “paysage régulateur”et  sur le rôle joué par l’organisation de la chromatine sur les mécanismes de régulation.

15 avril 2015 Gérard Lambert « Qu’attendre de la médecine évolutionniste ? L’exemple du cancer. ». Résumé : Malgré ses ascendants familiaux, Darwin a peu intégré les données médicales à la théorie de l’évolution. Toutefois, depuis la fin du XIXe siècle d’autres ont tenté de (ré)concilier médecine et théorie de l’évolution autour d’une question centrale : pourquoi la sélection naturelle n’a-t-elle pas éliminer les susceptibilités aux maladies ? Avec le psychiatre Randolph Nesse et le biologiste Georges C Williams la médecine dite darwinienne a trouvé un nouveau souffle au milieu des années 1990, mais au prix d’un adaptationnisme outrancier et d’une généralisation forcée. Que reste-t-il 20 ans plus tard ? Après un rappel historique nous tenterons de répondre à cette question à travers l’exemple du cancer.