République des Savoirs

Laboratoire transdisciplinaire du CNRS, ENS et du Collège de France

Séminaire Cavaillès (2018-2019)


Détails de l’événement

Cet événement s’est terminé le 29 mai 2019


« Séminaire Cavaillès »

2018-2019

13h30-15h30

 

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Adresse
ENS – 29 rue d’Ulm – 75005 Paris
Salle du Centre Cavaillès (3ème étage, droite)

Programme

10 octobre 2018
Philippe Huneman (IHPST), « Apport de Jean Gayon à l’histoire et l’épistémologie de la théorie de l’évolution »
Résumé
Disparu en mai dernier, Jean Gayon a marqué l’histoire et la philosophie de la biologie en France. Génétique et biologie évolutive étaient ses objets de prédilection.
Dans cette intervention, je partirai de certaines de ses thèses majeures, rapidement reconstruites, sur le rôle de la sélection naturelle en biologie, la nature du gène et le problème de la notion de race, pour éclairer des débats académiques contemporains.

Pas d’enregistrement audio

7 novembre 2018
Henri Atlan (EHESS), « L’éthique de Spinoza à travers la biologie contemporaine »
Résumé
Les avancées de la biologie contemporaine posent de façon nouvelle des problèmes philosophiques anciens, tels que ceux des rapports entre le vivant et l’inanimé, entre le corps et l’esprit, l’erreur et la vérité.
La philosophie de Spinoza, bien que datant du XVIIe siècle, apporte à ces problèmes des solutions plus pertinentes que la plupart des philosophies plus récentes, développées dans les siècles qui l’ont suivi.
En retour, les acquis actuels des sciences physiques et biologiques permettent de porter un nouveau regard sur certaines notions propres à la philosophie de Spinoza.

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS

5 décembre 2018
Hubert Gilan, « Prigogine, « le heurt des doctrines », le monde vivant »
Résumé
Ilya Prigogine (1917-2003), physico-chimiste belge, a renouvelé profondément la thermodynamique dans sa conception classique. Il a développé dans ses ouvrages, notamment La nouvelle alliance, une critique générale de la physique classique, déterministe, limitée aux phénomènes conservatifs et réversibles, aux processus à l’équilibre ou proches de celui-ci. Ses travaux ont porté sur les systèmes dissipatifs et les processus loin de l’équilibre. Ils permettent de caractériser les phénomènes largement répandus dans la nature, où, dans certaines conditions, au sein d’instabilités et de fluctuations, apparaissent des structures stables, des formes « d’ordre par fluctuation ».
Prigogine a reçu le prix Nobel de chimie en 1977 « pour ses contributions à la thermodynamique hors équilibre, particulièrement la théorie des structures dissipatives ».
En s’appuyant sur des études antérieures de phénomènes dissipatifs, tels que les tourbillons en hydrodynamique, les cellules de Bénard en thermodynamique, les réactions chimiques oscillantes (Belousov-Zhabotinsky), il a travaillé, notamment, sur des réactions chimiques faisant intervenir des boucles de rétroaction (auto-catalyse, auto-inhibition,…) processus non linéaires, que l’on retrouve dans le fonctionnement métabolique. Selon lui, l’application des conceptions physiques classiques aux êtres vivants est inadéquate. Les processus biologiques n’entrent pas dans le déterminisme laplacien. Ils sont irréversibles et relèvent de la thermodynamique hors équilibre dissipative. « Nos propres vies ne sont possibles que parce que les processus sont maintenus loin de l’équilibre par les flux incessants qui les nourrissent ».
Les conceptions de Prigogine sont marquantes et ont déclenché une large discussion. Celle-ci, quinze ans après sa disparition, n’est pas close. Cette présentation vise à la poursuivre, dans le cadre d’une séance du séminaire Cavaillès, en ce qui concerne le monde vivant.

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS

9 janvier 2019
Fabien Milanovic, « Le vivant à l’épreuve des biobanques : variations ontologiques et agentivité »
Résumé
« Qu’est-ce que le vivant ? » est une question récurrente à laquelle il est possible de répondre de divers points de vue disciplinaire. Mais, en faisant un pas de côté, il est une autre façon d’appréhender ce questionnement : interroger les manières elles-mêmes de définir le vivant, et les enjeux qu’elles portent. Il s’agit ainsi de resituer ces jeux de langage dans l’épaisseur des pratiques d’où ils émergent et d’en suivre les effets performatifs. C’est avec une telle perspective pragmatique que cette communication propose de mettre à l’épreuve le vivant au regard des enjeux définitionnels auxquels donne lieu sa mise en banque. En m’appuyant sur les enquêtes empiriques que j’ai menées sur la mise en banque hospitalière du vivant, en prêtant attention aux biotechnologies et en mobilisant les apports des Science and Technology Studies (STS), je propose d’étudier les variations ontologiques du vivant en restant au plus près des acteurs et en étant soucieux des pratiques que le statut accordé au vivant autorise ou interdit. Vivant fragmenté, cryoconservé, manipulé, reproduit, distribué, modifié : quel « travail politique » en jeu dans les opérations de mise en banque ? La distinction (juridique) chose-personne est-elle toujours opératoire ? Quels déplacements ? Quelle agentivité et quelles frontières en jeu ?

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS

13 mars 2019
Etienne Danchin (TULIP LabEx, UMR 5174 CNRS/UPS/ENFA Evolution et diversité biologique), « Rethinking heredity to promote the Inclusive Evolutionary Synthesis (Repenser l’hérédité pour promouvoir la synthèse évolutive inclusive) »
Résumé
Heredity can be defined as patterns of parent-offspring resemblance. It is a major factor of evolution by natural selection or drift. The mainstream vision of heredity tends to reduce heredity to the sole transmission of the DNA sequence. However, in the last 40 years, evidence has been accruing that parent-offspring resemblance also rests on other types of information that are not encoded in the DNA sequence ie that are not encoded into genes. In effect, DNA sequence information is discovered as being far from being able to explain the whole complexity of life. Ironically this challenging of the mainstream vision resulted from the very success of that approach as it is the fantastic development of DNA sequencing technologies that revealed the limits of a gene-only vision of life. After a few definitions, I will present two diagrams that I suggest can help better understanding inheritance. I will then develop 3 general examples of non-genetic inheritance to illustrate the fact that it is pervasive, and the subtlety of the underlying mechanisms. The last example will present my own research on animal culture and its potential impact on evolution. Building on these examples, I will work at unifying these elements into what I call an ‘Inclusive Evolutionary Synthesis’ (IES) that would generalise the modern synthesis of evolution, with the ambition of encompassing all dimensions of heredity, be they genetic or non-genetic. IES thus does not contradict the modern Synthesis of evolution but rather generalizes it with the ambition to better capture all the complexity of life. In the end I will quickly discuss the importance of non-genetic inheritance for evolution, conservation and medical sciences.

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS

3 avril 2019
Eric Bapteste (CNRS, UMR 7138), « Complexité organisationnelle en biologie : état de l’art et conséquences pour la biologie de l’évolution »
Résumé
Dans les dernières décennies, les connaissances au sujet de la complexité biologique au niveau moléculaire, cellulaire et plus récemment au niveau des holobiontes (organismes eucaryotes et leurs communautés microbiennes associées) ont significativement progressé. Réseaux d’interactions moléculaires, transferts latéraux de gènes, symbioses et endosymbioses affectent l’évolution biologique depuis des milliards d’années, conduisant à l’apparition d’organisations multi-agents, multi-lignées, multi-niveaux, interconnectées et imbriquées. Autrement dit, à tous les niveaux d’organisation biologique, l’ubiquité des collectifs, systèmes composés de multiples agents dépendants, représentables de manière abstraite par des réseaux, est notable. De ce fait, la biologie évolutive apparait fondamentalement comme une science des réseaux dynamiques. Cette proposition offre un cadre original pour unifier, recomposer et étendre la théorie de l’évolution, en mettant en avant plusieurs concepts périphériques ou absents des explications classiques de l’histoire du vivant sur terre.

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS

29 mai 2019
Sébastien Dutreuil (Centre Gille Gaston Granger, CNRS, UMR 7304, Aix-en-Provence), « Gaïa : hypothèse, programme de recherche pour le système Terre ou philosophie de la nature ? »
Résumé
Un exposé standard a été élaboré à propos de l’hypothèse Gaïa (HG) dans les années 1980, puis a largement diffusé et persiste aujourd’hui en dépit d’une recrudescence de travaux scientifiques, historiques et philosophiques sur HG. Cet exposé considère HG comme une hypothèse folklorique ou pseudo-scientifique, ou comme une métaphore vague comparant la Terre à un organisme, critiquée par les biologistes de l’évolution et n’ayant intéressé au mieux que les mouvements New Age. Cet exposé passe entièrement à côté de l’histoire réelle d’HG et des problèmes philosophiques et scientifiques qu’elle soulève. Il empêche de saisir l’influence profonde qu’HG a eue sur l’histoire des sciences de l’environnement et de la Terre, et notamment de comprendre le sens des reconfigurations institutionnelles importantes opérées depuis les années 1980 avec la constitution des sciences du système Terre. L’exposé standard empêche également de voir à quel point HG a pu transformer notre représentation scientifique et collective de la Terre et de la nature, jusqu’à sous-tendre de nombreux débats scientifiques et politiques contemporains portant sur les changements globaux.
Je montrerai que le problème au centre des quiproquo est celui du statut épistémologique d’HG. À partir d’une analyse historique de l’élaboration et de la réception d’HG au sein de diverses disciplines scientifiques (climatologie, biogéochimie, écologie, biologie de l’évolution) et au sein de l’écologie politique et des mouvements environnementalistes, je montrerai qu’HG a été analysée, selon les contextes et les auteurs, suivant trois catégories philosophiques distinctes : une hypothèse, un programme de recherche, une philosophie de la nature accompagnée de prescriptions environnementales. Enfin je préciserai les déplacements opérés par HG comme philosophie de la nature sur certains concepts importants, comme ceux de vie, de nature, et d’environnement.

Enregistrement audio réalisé par l’équipe Savoirs de l’ENS