Du Moyen Âge à l époque contemporaine, de nombreux poètes ou romanciers l ont fait, par choix ou par contrainte. Dans maintes civilisations, la vie intellectuelle et la littérature ont même eu recours avec une sorte d aisance naturelle à une langue étrangère ou apprise : le grec pour les Romains, le chinois pour les Japonais, le latin pour l Occident médiéval. Écrire dans une autre langue, c est s arracher à soi-même, ou simplement se partager : la langue du poète, la langue du mathématicien ne relèvent-elles pas de la catégorie des langues autres ? Et la langue maternelle peut, elle aussi, se faire « autre » : lorsqu elle est dévoyée ; ou lorsqu elle est consciemment choisie et modelée ; ou lorsqu elle préserve au sein de l écriture la langue de la tribu, de l enfance, de la fratrie. Ces questions se posent à tout écrivain si, comme l écrit Proust : « Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère.
