République des Savoirs

Laboratoire transdisciplinaire du CNRS, ENS et du Collège de France

Axes de recherche :

Titre de thèse :

« De l’urgence à l’éthique

Soin du temps, temps du soin »

Directeur(rice)(s) de thèse :
Jean-Marc Mouillie
(Université d’Angers)

Année académique d’inscription (ED 540) :
2019-2020

Résumé :
« A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » Edgar Morin (La méthode éthique 2004 Notre temps est « urgence ». Nous vivons dans l’urgence et en urgence. Ce sentiment semble s’être imposé à tous. Notre société actuelle se construit autour de l’urgente accélération du temps mais nous ressentons des difficultés à maîtriser les concepts liés à cette dernière, et donc à en mesurer les effets, les contraintes, l’évolution. Proposer une réflexion sur la définition, la notion même de l’urgence, sur les possibilités de penser en philosophie l’urgence et en urgence permettrait de mieux percevoir les conséquences de cette transformation sur notre société. La réflexion sur le temps est ancienne. Plusieurs descriptions nous sont proposées, entre temps cyclique ou linéaire, objectif, subjectif, fluctuant, fruit d’expériences intimes ou partagées. Ces difficultés de conceptualisation du temps en font une notion complexe à circonscrire et à échanger. Le temps est pensé par tous, vécu en communauté (nous partageons le même temps) mais il nous est également propre. C’est le résultat d’un apprentissage, d’un quotidien, à une époque et à une période de notre vie. Le cheminement de la pensée sur le temps s’est enrichi des schèmes d’instant et de durée. Cette proposition du temps comme succession d’instants, introduit la notion de mouvement associée à la thématique de l’urgence. L’urgence serait-elle alors une proposition de temps accéléré, de durée comprimée ? Comment supposer l’existence d’une définition partageable de l’urgence quand nous avons une telle difficulté à caractériser le temps lui-même ? Ces considérations ne sont pas seulement théoriques, elles engagent une préoccupation plus générale, tant l’urgence s’est intégrée à notre quotidien, le travail, la santé, l’environnement. L’urgence s’est imposée dans notre perception de la vie, une vie précipitée dans son déroulement jusqu’à la mort. Ainsi, après des années « glorieuses » d’innovations et de progrès techniques fulgurants, de promesses d’une amélioration de notre existence, de diminution des contraintes, de prolongation de l’existence, l’image d’une servitude au temps et à l’urgence se profile. Le discours se transforme, l’accélération du temps bascule du désirable vers l’aliénant. Cette perception négative de notre rapport au temps interroge sur les conséquences d’un temps quotidien synonyme d’urgence. L’urgence comme modalité de la temporalisation peut être vécue comme douloureuse, sans repos. L’urgence est convoquée pour justifier, faire accepter, imposer, juger et décider sans autre forme d’explication. Cette temporalité moderne urgente imposée comme une nouvelle norme n’est pas souhaitée ou acceptée par tous. Certains ne peuvent s’y adapter, d’autres la combattent et cherchent une voie de salut hors du temps. Ce risque de clivage au sein de notre société et les souffrances qui en découlent réacquièrent de s’arrêter pour penser l’urgence devenue incontournable à notre époque.
Après une première étape de recherche sur l’histoire de la notion d’urgence (chapitre I), nous essaierons de théoriser cette dernière, d’en comprendre le phénomène (chapitre II) et enfin, face à l’hypothèse d’une bascule d’une temporalité enviable à une accélération contraignante, nous proposons d’engager une réflexion sur les questionnements éthiques que soulève cette transformation de notre rapport au temps (chapitre III), en prenant pour champ d’observation la médecine (chapitre IV).

Evolution du projet :
Initialement l’exploration du concept d’urgence dans le champ médical axait principalement le travail d’observation du concept d’urgence de la médecine dans le champ de la médecine d’urgence. L ‘évolution des questionnements éthique en médecine et la crise sanitaire autour du COVID 19 a fait évoluer le travail vers une réflexion plus large autour de la médecine « de crise » : médecine d’urgence, consultations d’éthique clinique et décisions autour du COVID 19 (état d’exception et intégration dans le quotidien au-delà du champ médical avec l’intégration de notion comme état d’urgence, priorisation, décision/action, réflexion /autonomie)

Mots-clés :
Urgence, temps, éthique, espace, langage, transmission, norme, médecine.