République des Savoirs

Laboratoire transdisciplinaire du CNRS, ENS et du Collège de France

Site web : https://www.cheyne-editeur.com/victor-malzac
 

Crédit photo : © Francesca Mantovani et les éditions Gallimard

Axes de recherche :

Titre de thèse :

« Poétique animale d’Eugène Savitzkaya :
une expérience incontrôlée de la violence »

Directrice de thèse :
Anne Simon (CNRS)

Année académique d’inscription :
2023-2024

 

Résumé :
Eugène Savitzkaya est né à Liège en 1955. Il publie la majorité de ses textes aux éditions de Minuit, depuis Mentir (1977) jusqu’à Fou de Paris (2023). Cette thèse propose d’étudier l’intégralité de ses créations artistiques et textuelles selon une perspective écopoétique. Nous nous intéressons aux manifestations et significations stylistiques de l’animalité dans son oeuvre, pour en tirer des conclusions éthiques sur la possibilité d’une lecture violente, dérangeante, qui peut mettre en mouvement le corps de la personne qui lit.
Par un entremêlement de toutes les formes d’être (végétaux, minéraux, toutes les variétés animales et humaines, mélange des genres et des sexualités) en une seule matière vivante dont le principe agissant est la violence ou la confrontation des corps, cette poétique a pour conséquence une redéfinition originale des notions de métaphore et de description. L’œuvre de Savitzkaya, au travers de textes incertains, qui bougent, évoluent et se contredisent, qui présentent une narration inconstante et sans cesse malmenée, met à mal une attente rationnelle et intellectuelle de la part du lectorat. Les textes de Savitzkaya, souvent indéfinis dans leur genre littéraire, montrent une forte capacité à brouiller les pistes, à passer du coq à l’âne, à donner de la place à l’oralité et à une forme d’improvisation dans l’expression ; ce qui nécessite, pour les apprécier, une nouvelle modalité de lecture fondée sur une modalité active et mobile de la représentation (enargeia) qui se rapproche d’une interprétation animale du monde.
En tant qu’expérience violente et spontanée de l’état animal, cette œuvre non-mimétique et immédiate vient enfin repousser les limites de l’éthique en littérature. Les métamorphoses animales, les accouplements interspécifiques, les scènes de chasse, de dévoration, de combat, la reproduction de comportements animaux par les êtres humains impliquent la personne qui lit dans des scènes en constante animation qui lui permettent à son tour de devenir pulsionnel, qui autorisent des élans culturellement interdits, qui l’incitent à participer sans gêne à la violence fondamentale entre les êtres. La confrontation violente des corps entre eux, sans réelle maîtrise ou distance possible, devient chez Savitzkaya le déclencheur d’une libération essentielle, jouissive même, du corps et de son énergie instinctive. Ce dynamisme a pour conséquence l’impossibilité d’une distance morale ou d’un regard entièrement humain sur les scènes représentées, en faisant naître, pour qui se risque à lire Savitzkaya, une expérience renouvelée de la cruauté dans l’espace de la fiction.

Mots-clés :
Ecopoétique, éthique, stylistique, littérature, animaux, violence, énergie, poésie.