Le Cahier d’un pays natal, publié pour la première fois en 1939, a été célébré comme une charte de la « négritude » et de l’anticoloninialisme. Césaire est devenu un penseur de référence pour les études postcoloniales, aux côtés de Fanon, de Memmi et de Sartre, alors que des voix s’élevaient aux Antilles contre l’« idéologie de la négritude », au nom de la « créolité ».
Mais le message politique, social, philosophique que Césaire apporte, certes ancré dans l’histoire coloniale, est consubstantiel au langage même de la poésie, qui excède les circonstances de la composition. Il faut donc d’abord lire le Cahier d’un retour au pays natal comme un poème. La pensée de la « négritude » n’est nullement une philosophie illustrée par le poème. L’ « invention » toute rimbaldienne de « formes nouvelles » révèle le poète à lui-même et lui ouvre le « monde noir ». La « négritude » naît de l’acte poétique lui-même, qui revêt une signification politique.