Nicolas Correard, « Des automates vivants ? La controverse de l’instinct (1630-1660) », dans A. Volpilhac (dir.), La masse du monde, l’assemblage de tous les êtres. Textes et écologie au XVIIe siècle, revue Dix-septième siècle, n° 301, 2023/4, p. 695-714.
Résumé : C’est au milieu du XVIIe siècle que la notion d’instinct émerge dans le sens zoologique moderne désignant des actions effectuées spontanément, selon un schéma déterminé et sans expérience préalable, par tous les individus d’une même espèce. Nous examinons plusieurs positions révélatrices de la variété des options épistémologiques qui s’offraient alors : alors que Montaigne comme Descartes, pour des raisons inverses, tendent à évacuer cette notion soupçonnée d’entretenir la confusion, Pierre Chanet lui accorde une extension maximale dans le cadre d’une pensée mécaniste et finaliste. Engagé dans une vive polémique contre ce dernier, Marin Cureau de la Chambre la redéfinit dans le sens restreint de connaissance innée et spécialisée, compatible avec la thèse de la rationalité animale qu’il défend. Ses arguments pouvaient faire le jeu d’une position plus radicale, celle des libertins érudits, qui à l’instar de Cyrano ou de l’auteur du Theophrastus redivivus hésitent à assimiler totalement la raison et l’instinct, ou bien à inverser leur hiérarchie traditionnelle.