Les Juifs ont souvent entretenu un rapport singulier à la modernité. C’est particulièrement vrai en France où, très tôt émancipés, ils prirent pleinement part à l’épanouissement du pays. En même temps qu’elle leur accorde la citoyenneté, la Révolution française leur ouvre l’accès à la science.
Héritiers d’une culture où sacré et profane, loin d’être opposés, s’entremêlent, ils sont les premiers à s’engager dans l’aventure des sciences de l’homme qui marque le XIXe siècle. En effet, les savants juifs conservent de la tradition une conception du temps et de l’histoire qui leur permet d’échapper aux dilemmes auxquels sont confrontés les érudits protestants ou catholiques. Leur familiarité avec l’Orient et l’absence de dogmes, autorisant l’inclusion du religieux dans leurs objets d’étude, expliquent leur rôle fondateur dans l’essor de la science des religions mais aussi de la philologie, de la linguistique, de la mythologie comparée ou de la sémantique. Salomon Munk, Michel Bréal, Adolphe Franck, James et Arsène Darmesteter sont les grands ancêtres des intellectuels du XXe siècle.
Cette rencontre entre judaïsme et modernité éclaire d’un jour nouveau l’histoire politique et intellectuelle française, restituant au religieux la part qui lui revient. Elle permet de saisir comment, depuis leurs disciplines respectives, les savants juifs contribuent à poser l’une des questions centrales de la modernité : celle de l’identité.