Pensée morale et genres littéraires, sous la direction de J-Ch. Darmon et Ph. Desan, Paris, PUF, 2008
Résumé en français :
De quels types de connaissance morale la littérature est-elle porteuse ? La littérature ne laisse-t-elle pas entrevoir, à sa manière, certaines lacunes des systèmes philosophiques, leurs lieux de fragilité ou d’indétermination, dès lors qu’il s’agit de rendre compte des multiples dimensions de l’expérience morale, ainsi que des conditions et des modalités de la « vie bonne » ? Autant d’interrogations que la théorie littéraire des années « structuralistes » a eu tendance à laisser de côté. Or, les exemples sollicités en pareil débat, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis (par les divers représentants de l’ethical theory), prennent généralement appui sur un genre dominant (le roman) et sur une période (celle des figures de la « modernité » propres aux XIXe et XXe siècles).
L’enquête collective du présent volume s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche visant à réévaluer dans la longue durée l’apport de l’ensemble des genres littéraires, de leurs relations différentielles et de leurs évolutions successives, ressaisis comme autant d’éléments importants pour l’histoire de la pensée morale. La question, dès lors, n’est pas seulement : qu’est-ce donc que les genres doivent à la morale ; mais aussi et même surtout : qu’est-ce donc que la pensée morale doit aux genres eux-mêmes, qui lui permettent de s’énoncer, de se représenter, de s’incarner, de se dramatiser, de se mettre en récit et en intrigue ? On a essayé ici de mieux prendre la mesure de l’étonnante puissance de variation que l’expérimentation sur les genres littéraires a permis de déployer dans l’histoire de la pensée morale, de Montaigne à Sartre et Genet en passant par Bruno, Pascal, Nicole, La Fontaine ou Flaubert.
Résumé en anglais :
Moral Thought and Literary Genres
Edited by Jean-Charles Darmon and Philippe Desan
One may ask what sort of moral knowledge literature can give rise to. Perhaps it helps to reveal, in its way, some of the gaps, fragilities or inconclusive aspects of philosophical systems before the multiple dimensions of moral life and the process of defining the conditions and modalities of the “good life”. Structuralist literary theories have tended not to confront these issues. Yet, such debates around ethical theory, whether in Europe or in the United States, have generally relied on the dominant genre of the novel, and on the figures of “modernity” of the 19th and 20th centuries.
The collective investigation represented in this volume is a part of a research programme whose goal is to reevaluate within the longue durée what literary genres bring to the history of moral thought, via their interrelations and successive evolutions. The question that emerges thus not only regards what literary genres owe to moral thought, but also, and especially, what moral thought owes to these very genres, allowing it as they do to be explicited, represented, incarnated, dramatised, turned into narration and intrigue. In this volume, we have attempted to assess the astonishingly powerful effect of literary experimentation on variations within the history of moral thought, from Montaigne to Sartre and Genet, via Bruno, Pascal, Nicole, La Fontaine, or Flaubert.