Nicolas Correard, « Zootopies littéraires : mises en scène d’une domination renversée (XVIIe-XVIIIe siècles) », Revue de Littérature Comparée, vol. XCVII, n° 2, avril-juin 2023, p. 156-167.
Résumé : Les voyages imaginaires de la première modernité sont traditionnellement considérés comme un lieu de réflexion politique. Or, les utopies anciennes incluent souvent des zootopies, où les relations entre humains et non-humains se trouvent renversées au bénéfice d’autres espèces, et… au bénéfice des humains eux-mêmes, qu’il convient de désaliéner de leur addiction à la domination. Nous proposons une approche intersectionnelle d’un vaste corpus dont les œuvres de Cyrano, Swift et Holberg (Iter Klimii Subterraneum, 1741) constituent les jalons les plus connus. La domination spéciste de l’être humain y est interrogée, et elle peut même être justifiée chez des auteurs légitimistes sur le plan politique ; mais elle est plus souvent dénoncée comme « tyrannie » au même titre que les oppressions politiques et sociales de l’époque, dans un parallèle zoo-politique cultivé par nombre d’auteurs, tels Frémont d’Ablancourt (Supplément de l’Histoire véritable, 1644), Mlle de Montpensier (Relation de l’Isle imaginaire, 1659), Margaret Cavendish (Blazing World, 1666), Joshua Barnes (Gerania, 1675), Samuel Brunt (Cacklogallinia, 1727), Zaccaria Seriman (Viaggi di Enrico Wanton, 1749), Tiphaigne de la Roche (Zazirocratie, 1761), Rétif de la Bretonne (La Découverte australe, 1781).